Brève histoire de l’Océan Alpin

océan alpin

Fig.3 Ouverture et fermeture de l'Océan Alpin.
Ouverture de l'Océan Atlantique
D'après M. Lemoine APBG 1990

formation des Alpes

Fig. 4 Formation des Alpes en relation avec l’ouverture et la fermeture de l’Océan Alpin

La région de l’Alpe d’Huez correspond au secteur de gauche marqué BB. Sa structure générale est restée la même depuis le Jurassique jusqu’à l’époque actuelle, mais elle a connu un soulèvement général induit par la surrection des Alpes, à l’ère tertiaire. Les deux petites taches de couleur bleue représentent les restes de roches sédimentaires qui se sont accumulées au cours des temps géologiques (voir les figures 5 et 6).

- Vision en plan (Fig.3) La géologie des Alpes en général et celle de la région de l’Alpe d’Huez en particulier sont étroitement liées à l’ouverture et à la fermeture d’un océan que les géologues ont baptisé Téthys ou Océan Alpin. Comme on le voit sur la figure ci-contre, cet océan n’existait pas encore au Trias (250 millions d’années), mais il était déjà refermé à l’Eocène (50 Ma). Son ouverture et sa fermeture se sont donc produites entre temps. Avant d’examiner les principales étapes de ce processus, il convient de noter qu’entre le Trias et l’Eocène, la région qui nous intéresse est passée d’une latitude proche de l’équateur à la latitude d’environ 45° Nord qui est encore la sienne aujourd’hui.

- Vision en coupe (Fig.4), selon les tracés AB de la figure 3 Le mécanisme d’ouverture et de fermeture d’un océan, tel qu’il apparaît sur la figure 4, pourrait s’appliquer à la plupart des océans qui ont marqué l’histoire géologique de la Terre. Les particularités propres à l’Océan Alpin concernent surtout les âges qui sont indiqués et qui couvrent la période allant du Trias à l’Eocène. Bien avant le Trias, d’autres océans s’étaient déjà ouverts et refermés en différents secteurs de la Terre, y compris dans la région occupée aujourd’hui par les Alpes. Certains océans actuels sont en phase d’ouverture, d’autres en phase de fermeture. S’il est utile d’évoquer ici ces processus, c’est parce que la genèse des chaînes de montagnes leur est étroitement associée. Concernant l’Océan Alpin, les principaux points à souligner peuvent se résumer comme suit :

  • au stade a (Trias), la région des Alpes est totalement continentale et relativement plate. L’Océan Alpin est étranger à la genèse des matériaux constitutifs, puisqu’il n’existe pas encore. En langage géologique, on traduit cela en disant que ces matériaux ne relèvent pas du “cycle alpin”, mais d’un cycle antérieur, appelé “cycle hercynien”, qui date de l’ère primaire. C’est une façon d’indiquer que leur genèse est liée à l’ouverture et à la fermeture d’un océan qui avait existé dans la région avant l’Océan Alpin. Vers la fin du Trias, deux phénomènes annoncent l’approche d’une nouvelle océanisation : il s’agit d’une part du recouvrement progressif du secteur par des eaux marines de faible profondeur, d’autre part de l’apparition d’épisodes volcaniques déversant des coulées de laves fortement alcalines (teneurs élevées en sodium et en potassium). Ce volcanisme implique l’existence d’un réservoir magmatique en profondeur, lui-même représenté sur le schéma par l’ovale portant le n°1.
  • au stade b (Jurassique), l’océanisation proprement dite est en marche. Cela se reconnaît, dans la partie centrale du schéma, au fait que la croûte continentale (couche orangée) a disparu pour céder la place à une croûte océanique (couche verte). Cette croûte océanique est engendrée par le réservoir magmatique et elle comprend, de haut en bas, trois termes principaux : basalte, gabbro et péridotite. Il s’agit de trois roches dont l’association, qui porte le nom d’ophiolites (ou trilogie ophiolitique), est caractéristique d’une croûte océanique. Cela signifie que, lorsqu’on trouve aujourd’hui des vestiges d’ophiolites sur un continent, on a la preuve que le secteur concerné était autrefois occupé par un océan. Une autre particularité de l’espace océanique apparu au stade b réside dans le fait qu’il va en s’élargissant au cours du temps. La raison en est que de part et d’autre de l’axe médian appelé dorsale (repéré sur les schémas par la lettre D), un mouvement de divergence se produit, ayant pour effet d’éloigner l’un de l’autre les deux domaines continentaux qui étaient initialement contigus. En bordure du domaine océanique, le domaine continental est affecté par des failles, c’est-à-dire par de grandes cassures qui le débitent en morceaux. Ces derniers sont marqués sur les schémas par les lettres BB, parce que les géologues leur donnent le nom de blocs basculés.
  • au stade c (Crétacé inférieur), l’Océan Alpin a atteint sa largeur maximale (estimée à 1000 km environ). On peut observer sur les schémas qu’entre les stades a, b et c, la dorsale (D) s’est déplacée vers l’Est.
  • au stade d (Crétacé supérieur) la fermeture de l’Océan Alpin s’amorce et on entre dans une phase de convergence. Le processus est dû à une subduction, c’est-à-dire à un enfoncement de la croûte océanique apparue aux stades b et c. Outre le fait qu’elle entraîne une disparition de cette croûte, la subduction provoque le plissement et parfois le métamorphisme des roches situées au voisinage du plan de friction, les plus affectées étant les roches sédimentaires. Elle entraîne également l’apparition d’un second réservoir magmatique (marqué 2 sur le schéma), qui lui-même peut engendrer la formation de coulées de laves en surface ou de granites en profondeur. Ce magmatisme s’étant avéré peu actif dans les Alpes, on a l’habitude de dire qu’il y a ici peu de granites “alpins”. La plupart de ceux que l’on connaît (Mont-Blanc, Oisans) sont en effet d’âge hercynien et relèvent donc d’un processus de subduction très antérieur à celui qui a entraîné la fermeture de l’Océan Alpin.
  • au stade e (période allant de l’Eocène à l’époque actuelle) l’Océan Alpin s’est complètement refermé et le rapprochement des deux masses continentales a entraîné une surélévation des parties frontales entrées en collision. On voit qu’un vestige de croûte océanique (lambeau de couleur verte) a échappé à la subduction. C’est ce que l’on appelle une ophiolite obductée, d’où son repérage par les lettres OO sur le schéma. Il n’existe pas d’ophiolite à l’Alpe d’Huez, mais on en trouve plus à l’est, près de la frontière franco-italienne, au col du Montgenèvre.

Après ce très rapide survol de l’histoire de l’Océan Alpin, le moment est venu de passer à la lecture géologique des paysages de l’Alpe d’Huez et du massif des Grandes Rousses.